Mohamed Abozekry est né au Caire en 1991. Il aborde l’étude du oud dès l’âge de 11 ans et, pendant quatre années, suit l’enseignement du maître iraquien Naseer Shamma. Ce virtuose et pédagogue hors pair promeut une manière nouvelle d’interpréter les maqâms traditionnels, développant toutes les techniques possibles (accords, arpèges, harmoniques etc.) pour les mettre au service de son lyrisme. A son contact, Mohamed ne tarde pas à maîtriser parfaitement son instrument. Au sein de la Maison du Luth Arabe (Beit El Oud), l’école que Shamma a fondée au Caire, il apprend les multiples ramifications du maqâm, mais aussi les répertoires populaires qui participent à la richesse foisonnante de la musique égyptienne. Il étudie encore auprès des maîtres Hazem Shaheen et Nehad El Sayed, et se produit régulièrement avec l’Orchestre d’Orient dirigé par Naseer Shamma. Au début de l’année 2007, il se voit remettre le diplôme de soliste et professeur, avec prix d’excellence. A 15 ans, il devient le plus jeune enseignant de oud reconnu dans le monde arabe.
Les médias ne tardent pas à s’emparer du phénomène. Avec son visage encore enfantin et sa drôle de coiffure ébouriffée, Mohamed passe régulièrement sur les plateaux de télé, révélant une personnalité confiante et posée, aussi sérieux lorsqu’il joue que décontracté quand il parle. Les concours s’enchaînent, à Tunis, Dubaï et Damas où, en 2009, il obtient le premier prix au Concours International de Oud. S’il
avoue avoir eu son bac de justesse, il n’a pas renoncé à faire des études, et c’est en France qu’il souhaite les poursuivre. A 18 ans, il s’installe à Lyon pour suivre des cours à la Faculté de Musicologie. Bien vite, il donne des cours de oud et commence à se produire en concert. Sa stupéfiante capacité à assimiler de nouveaux langages musicaux lui permet de fréquenter des musiciens de jazz et de musiques du monde et de travailler à ses propres compositions. Il fonde bientôt le groupe Heejaz, avec Guillaume Hogan à la
guitare manouche, Anne-Laure Bourget aux percussions et Hugo Reydet à la contrebasse. Sorti en 2013, le premier album de cette formation, Chaos , frappe par son originalité et son ambition. Sans le moindre heurt, Abozekry parvient à développer des idées remarquables au sein d’un univers harmonique a priori étranger aux modes arabes.
En concert, sa vélocité ingénieuse et toujours au service de la musique laisse le public sans voix. L’expérience se révèle assez concluante pour que le jeune homme décide de la renouveler, en allant plus loin encore. Après avoir obtenu sa licence de musicologie en 2014, il publie l’année suivante l’album Ring Road avec un Heejaz Extended où l’on retrouve Anne-Laure Bourget et Hugo Reydet, mais aussi Benoît Baud (saxophone) et Ludovic Yapaudjian (piano). Le domaine balisé par Abozekry s’étend encore, allant des musiques indiennes à la salsa, sans que ses compositions en pâtissent ou que son oud ne paraisse, dans ce contexte, incongru. Mais déjà, Mohamed songe à ce qu’il nomme son « projet soufi », un retour aux musiques savantes et populaires d’Egypte. En 2016, ce projet paraît sous la forme d’un album, Karkadé , enregistré avec une formation traditionnelle (violon, flûte ney et tambourin riqq). Passionné par l’écriture pour le cinéma, Mohamed entame également un master de Musique Appliquée Aux Arts Visuels (MAAAV), toujours à la Faculté de Lyon et s’essaye à la composition pour plusieurs films ( 18 jours , hommage à la révolution réalisé par un collectif de cinéastes égyptiens et présenté au Festival de Cannes en 2011 ; Nsibi , court-métrage réalisé en 2014 par Hassène Belaïd…).
D’une créativité intarissable, Mohamed présente à l’automne 2018 l’album Don’t Replace Me By A Machine , enregistré avec une nouvelle formation, sans doute la plus percutante de celles qu’il a tentées jusqu’à présent. Nommé Abozekry Trio, ce groupe comprend, en plus de Mohamed, son frère Abdallah Abozekry au saz et Nicolas Thé à la batterie. Un power trio dont la musique, instinctive, excitante et plus singulière que jamais, ne devrait laisser personne insensible.